Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne (UE) pourrait modifier la structure des échanges en faveur des pays où la production est relativement efficace en termes d’émissions de carbone, mais ne contribuerait guère à atténuer le changement climatique, a averti la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) dans un rapport publié mercredi.

Ce rapport de la CNUCED montre les implications potentielles du MACF sur le commerce international, les émissions de dioxyde de carbone (CO2), les revenus et l’emploi pour les pays à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne, avec un accent particulier sur les pays en développement et vulnérables.

Le MACF vise à faciliter l’atteinte des objectifs climatiques de l’Union européenne. L’objectif est que les biens importés dans l’Union européenne soient couverts par une tarification du carbone équivalente à celle s’appliquant à la production de ces mêmes biens sur le territoire de l’Union européenne, dans le cadre du système d’échange de quotas d’émissions. Le mécanisme contribuera ainsi à renforcer la cohérence de la politique climatique de l’Union européenne.

Le MACF doit introduire de nouvelles mesures de réduction des émissions de CO2 de manière transitoire en 2023 et les finaliser avant 2026.

« Les considérations climatiques et environnementales sont au premier plan des préoccupations politiques, et le commerce ne peut faire exception. Le MACF est l’une de ces options, mais son impact sur les pays en développement doit également être pris en compte », a déclaré Isabelle Durant, Secrétaire générale par intérim de la CNUCED.

Le rapport confirme que l’introduction du MACF réduirait une partie des ‘fuites de carbone’ produites par les différentes ambitions en matière de changement climatique entre l’UE et les autres pays.

La ‘fuite de carbone’ désigne la délocalisation de la production vers d’autres pays dont les contraintes en matière d’émissions sont plus souples, pour des raisons de coûts liés aux politiques climatiques, ce qui pourrait entraîner une augmentation de leurs émissions totales.

Les pays en développement paient également le prix fort

Le rapport indique que plusieurs partenaires commerciaux de l’UE exportant des biens dans des secteurs à forte intensité de carbone ont fait part de leurs craintes de voir le MACF réduire considérablement leurs exportations, mais ces changements pourraient ne pas être aussi radicaux que certains le craignent.

Selon le rapport, les exportations des pays en développement dans les secteurs à forte intensité de carbone ciblés seraient réduites de 1,4% si le système MACF était mis en œuvre à un prix de 44 dollars par tonne d’émissions de CO2 intégrées, et de 2,4 % s’il était mis en œuvre à un prix de 88 dollars par tonne.

Toutefois, les effets varieraient considérablement d’un pays à l’autre en fonction de la structure de leurs exportations et de l’intensité de leur production de carbone.

Dans les deux scénarios, les pays développés, en tant que groupe, ne subiraient pas de baisse de leurs exportations car ils ont tendance à utiliser des méthodes de production moins intensives en carbone dans les secteurs ciblés que de nombreux pays en développement.

Le rapport indique que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières générerait un écart similaire entre les pays en développement et les pays développés en termes de bien-être. Dans les deux cas, les pays développés s’en sortiraient mieux que les pays en développement.

Avec un MACF basé sur un prix du carbone de 44 dollars par tonne, le revenu des pays développés augmenterait de 2,5 milliards de dollars, tandis que celui des pays en développement diminuerait de 5,9 milliards de dollars, indique l’analyse de la CNUCED.

Toutefois, les pays développés subiraient une perte de bien-être plus importante de 51 milliards de dollars à la suite de l’introduction initiale d’un prix du carbone de 44 dollars par tonne, en raison des pertes subies par l’UE, tandis que les pays en développement gagneraient 1 milliard de dollars en l’absence du MACF.

Selon le rapport, les effets potentiels sur l’emploi seraient faibles pour la plupart des économies.

Effets sur l’économie de l’Union européenne

Le rapport indique aussi qu’une augmentation du prix du carbone réduirait considérablement les émissions de carbone dans l’UE, mais les exportations du plus grand bloc commercial du monde diminueraient.

En effet, un MACF fondé sur un prix du carbone de 44 dollars par tonne d’émissions intégrées de CO2 réduirait de plus de moitié les ‘fuites de carbone’ résultant de la mise en œuvre des politiques climatiques dans l’UE, qui passeraient de 13,3% à 5,2%.

Mais ce mécanisme ne compenserait pas entièrement les effets négatifs de la taxe carbone sur l’économie de l’UE.

Un impact limité sur l’atténuation du changement climatique

Bien que le mécanisme soit efficace pour réduire les ‘fuites de carbone’, sa contribution à l’atténuation du changement climatique est limitée, car il ne permettrait de réduire que 0,1% des émissions mondiales de CO2.

Le rapport montre que si le mécanisme vise à éviter les fuites de production et d’émissions de CO2 vers les partenaires commerciaux de l’UE dont les objectifs en matière d’émissions sont moins stricts, la manière dont il peut soutenir la décarbonisation dans les pays en développement n’est pas encore claire.

Le rapport note que pour réduire efficacement ces émissions, il faudrait des processus de production et de transport plus efficaces.

La CNUCED exhorte l’UE à envisager de déployer des politiques d’accompagnement du MACF capables de réduire, et à terme d’éliminer, les écarts entre pays développés et pays en développement.

« L’UE pourrait envisager d’utiliser une partie des recettes générées par le MACF pour accélérer la diffusion et l’adoption de technologies de production plus propres dans les pays en développement », a déclaré Mme Durant. « Cela sera bénéfique en termes d’écologisation de l’économie et de promotion d’un système commercial plus inclusif ».

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