
« Chacun est libre de croire, de penser et de professer ses opinions politiques et philosophiques. Il est libre d’exprimer et diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image ».
C’est de cette disposition de l’article 7 de la constitution guinéenne du 7 mai 2010 qu’il faut user pour exprimer son point de vue sur le débat politico-juridique autour d’une nouvelle constitution en raison de la pertinence du sujet et les vagues rections qui se font entendre dans l’arène politique nationale.
Si certains interprètent la récente sortie médiatique du Professeur Togba ZOGBELEMOU de « soutien indéfectible de la mouvance présidentielle », d’autres se félicitent de ce qu’ils qualifient d’analyse juridique d’un constitutionnaliste averti. Mais quoi l’on puisse dire, le droit a caractère général, obligatoire et impersonnel.
« Reconnaître qu’une constitution n’est intangible, c’est reconnaître aussi les intangibilités constitutionnelles ». Sur ce, aucune une déclaration de guerre ne peut être consécutive à l’annonce d’une révision constitutionnelle. Mais le projet d’une nouvelle constitution lui prête à confusion.
Se prononçant sur l’actualité juridique brûlante de son pays, l’ancien ministre de la justice, garde des sceaux, Pr ZOGBELEMOU reconnait ceci: « autant les Guinéens qui s’opposent à l’adoption d’une nouvelle constitution ou à l’idée d’un troisième mandat du Président en exercice ont le droit de s’exprimer et de manifester (articles 7 et 10 de la constitution), autant ceux qui y sont favorables ont le droit d’exprimer leur opinion sans être menacés ».
« Conformément aux articles 51 et 152 de la constitution de 2010, l’initiative de proposer au référendum un texte constitutionnel appartient au Président de la République et aux députés, qu’il s’agisse d’une révision constitutionnelle ou d’une nouvelle constitution », a-t-il indiqué.
Cependant, ces dispositions constitutionnelles ne font en aucun cas allusion à l’établissement d’une nouvelle constitution. Ce qui sous entend que le professeur ZOGBELEMOU s’est fourvoyé dans l’interprétation, puisqu’il ne peut ignorer que le référendum législatif ne peut légalement porter que sur l’adoption d’une loi par le peuple par référendum et non sur la révision constitutionnelle, encore moins l’adoption d’une nouvelle constitution.
Expressément, l’interprétation du droit par l’homme de droit aurait manqué de lisibilité. Pour motif, un amalgame se fait sentir lorsque le constitutionnaliste dit clairement que : « le débat ne concernant pas une révision de la constitution de 2010 mais l’établissement d’une nouvelle constitution, les dispositions des articles 152 à 154 de la constitution relative à la procédure et aux limites matérielles et temporelles de la révision, ne peuvent trouver à s’appliquer. L’élaboration d’une nouvelle constitution, à l’initiative du Président de la République, a donc pour base légale l’article 51 de la constitution ».
Pourtant, l’article 51 dispose que : « le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la protection et la promotion des libertés et droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’État, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité. Il doit, si l’Assemblée Nationale le demande par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers des membres qui la composent, soumettre à référendum toute proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou concernant les libertés et les droits fondamentaux. Avant de convoquer les électeurs par décret, le Président de la République recueille l’avis de la Cour constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition de loi à la constitution. En cas de non-conformité, il ne peut être procédé au référendum. Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition, la loi ainsi adoptée est promulguée dans les conditions prévues à l’article 78 ».
Au lieu de se faire plaire, il serait mieux de se focaliser sur l’esprit de la constitution. Ce, pour éviter d’apporter une innovation qui rend la teneur du droit une simple affirmation de principe. A dire vrai, voila ce que dispose l’article 152 de la constitution guinéenne du 7 Mai 2010: « l’initiative de la révision de la constitution appartient concurremment au président de la République et aux députés. Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision est adopté par l’Assemblée Nationale à la majorité semple de ses membres. Il ne peut être définitif qu’après avoir été approuvé par référendum. Toutefois, le projet n’est pas présenté au referendum lorsque le président de la république décide de le soumettre à la seule assemblée nationale. Dans ce cas le projet de révision est approuvé à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée nationale. Il est de même de la proposition de révision qui aura recueilli l’approbation du président de la République ».
Mieux, l’honnêteté intellectuelle oblige et l’audace de défendre le droit qui circonscrit la politique s’impose. Si le jurisconsulte reconnait que la seule limite temporelle à l’initiative est celle de l’article 153 de la constitution qui dispose que « aucune procédure de révision ne peut être entreprise en cas d’occupation d’une partie ou de la totalité du territoire national, en cas d’état d’urgence ou d’état de siège », pourquoi ne pas défendre une révision dont la base est constitutionnelle pour faire disparaître l’imbroglio juridique sur les prérogatives du premier ministre, la nature panafricaine de la constitution et la primauté des candidatures politiques et non indépendantes concernant les élections nationales y compris les dispositions transitoires.
En réalité, Il faut reconnaitre que sous le fondement de l’article 51 de la constitution, le Président de la République peut soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, la protection et la promotion des libertés et droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’État. Mais il appartiendra au peuple sous le fondement de l’article 2 d’exercer sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum.
De même, force est de constater que le peuple en tant que détenteur de la souveraineté n’est nullement à l’origine du débat actuel. Et par conséquent, ne peut demander au président de soumettre une nouvelle constitution au référendum. C’est pourquoi dispose l’article 2 de la constitution : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par voie de référendum. Aucune fraction du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Le suffrage est universel, direct et secret. ( …..) La souveraineté s’exerce conformément à la présente constitution qui est la Loi suprême de l’État. Toute loi, tout texte réglementaire et acte administratif contraires à ses dispositions sont nuls et de nul effet ».
Thierno Amadou Oury BALDE
Journaliste spécialiste des questions juridiques et judiciaires.